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Résistance non-violente
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Serge Perrin
L´action non-violente : mode d´emploi
Article mis en ligne le 2 août 2018
dernière modification le 13 janvier 2024

Le défilé silencieux
Vous avez un message à faire passer ? Vous etes révolté-es par un évènement ? Vous n´étes pas une organisation de masse ? Ce n´est pas encore grave, tel le petit colibri vous pouvez agir.
La non-violence offre une multitude de moyens, et si certains sont à la portée d´activistes pret-es à faire de la prison, beaucoup sont à la portée de quelques personnes motivées.

Ainsi je vous propose un moyen simple de vous exprimer : la marche au défilé en silence.
L´important dans une action est de faire passer votre message. Avec des petits panneaux A3 (30 x42 cm) cloués sur un bout de bois, vous allez confectionner un moyen d’ expression à usage renouvelable.
Une imprimante A3 ou un bon dessin collé sur ce petit panneau, et vous pouvez défiler dans le centre ville de votre village.

Le silence attire I’attention

Pas besoin de crier dans un mégaphone : cela fait fuir les badauds, surtout si le mégaphone est de mauvaise qualité et le son inaudible. Au lieu d´un message clair les passantes n´entendent que du bruit. Le silence s´impose alors...
Voir une dizaine (ou plus) de personnes défilant silencieusement en file indienne, partant des pancartes avec un slogan, c´est attirer l´attention à coup sur.
Ce défilé bien ordonné est suffisamment photogénique pour permettre une photo de la presse locale que vous avez informée bien entendu, et meme une petite vidéo qui va alimenter votre compte sur les réseaux sociaux. La visibilité peut etre renforcée par le port d´un t-shirt ou un élément vestimentaire identifiable (écharpe blanche).

Communiquer avec les passant-es
Nous avons pu constater que non seulement le défilé silencieux ne fait pas peur aux passantes, mais certaines personnes approchent pour mieux lire la pancarte. Lors d´un défilé nous avons pu constater que des personnes se mettent dans la file pour participer.

Il ne faut pas négliger le petit tract qui va présenter votre action, votre revendication, et bien sur le contact où vous joindre, voire le prochain rendez-vous (permanence, réunion publique ... ). Vous vous organisez pour que deux ou trois volontaires distribuent ces tracts aux personnes qui s´approchent ou posent des questions. Ainsi les „porteu-ses de pancartes" ne sont pas perturbé.es par des discussions latérales. La file peut ainsi rester bien constituée et en silence.

Une tache importante est d´avoir une animatrice de la file : la personne en tete qui va tracer le chemin, éventuellement arreter ou dépIacer la file en fonction des aIéas. II est intéressant que ce ou cette "leader" soit sensible à ce qui se passe autour de la manifestation (attroupement, véhicules, traversée de rue ... ) afin que le déroulement du cortège soit souple et sans problème, et surtout sans danger pour les participant.es.
La répartition des taches est un élément très important pour une action non-violente réussie.
En plus des distribut-rices de tracts il y aura la personne qui va discuter avec les journalistes et le contact avec la police. Mais nous y reviendrons.

L´enchainement
Les actions non-violentes peuvent se classer en deux catégories
— celles qui visent à faire connaitre sa revendication, à toucher le grand public,
— celles qui visent à faire pression directement sur le lieu du pouvoir (patronat, élu- es, gouvernement).
Bien sur en pratique la distinction n´est pas aussi nette : convaincre la population à adhérer à notre cause est une manière de faire pression sur le pouvoir (local ou national). Mais choisir l´objectif d´une action est important pour en garder le sens.
L´action de s’enchainer peut etre utilisée pour les deux objectifs soit sur la place publique pour faire passer un message, soit pour bloquer un lieu, par exemple une usine ou... un abattoir.

Faire connaitre son action
Dans les annes 1960 à 1980, les jeunes gens qui refusaient le service militaire alors obligatoire étaient souvent emprisonnés, en particulier lorsque le statut d´objecteur de conscience etait refusé. Les membres du GARM (Groupe d’action et de résistance à la militarisation) Lyon avaient pris pour habitude de dénoncer ces emprisonnements en s´enchainant autour de statues, à l´entrée du siège de l´état-major militaire à Lyon.
Quelques personnes s´accrochent à l´aide d´une chaine métallique avec un cadenas. II faut faire attention ce que la longueur de la chaine permette de relier les deux points d´amarrage (ou de cercler la statue). Il n´est pas nécessaire d´etre très nombreu.ses puisque c´est la chaine qui fait la longueur. Au contraire d´une chaine humaine où les participant.es se tiennent la main, il est nécessaire de laisser un peu d’ espace pour que la chaine soit visible pour les photos et les passant.es.
Une banderole tenue par les personnes enchainées explique l´objectif et met en avant le but de l´action.
Et comme toujours dans une action non-violente, des personnes sont autour, non enchainées, pour distribuer des tracts et discuter avec les passant.es. Ne pas oublier de désigner le ou la responsable des relations avec la police et avec la presse.

Les "anges gardiennes" ou ’Ne perdez pas la clé !"

II est nécessaire de prévoir une ou deux personnes chargées du "bien-etre" des personnes enchainées et qui vont distribuer à boire (voir à manger si l´action se prolonge). Ce sont les "peace keeper" en anglais, ange gardien.nes en francais.

Durant la guerre d’Algerie, des jeunes liées à l’ACNV, l´Action civique non - violente, issue de l´Arche, s´enchainent à Lyon pour demander d´etre emprisonnées en solidarité avec un objecteur. Sur la banderole : „Pour la paix. Le jeune appelé Michel Hanniet, volontaire pour un service civil en Algérie, refuse le service armé. Nous nous constituons prisonniers avec lui".

La police qui interviendra aura rapidement les moyens de couper la chaine avec un coupe-boulon. Pour une action de popularisation, il n´est pas nécessaire de prévoir une chaine très grosse et couteuse. Idem pour les cadenas.

II faut éviter que les clés des cadenas soient portées par les participantes (elles pourraient etre rapidement récupérées par les policier.es) mais, au cas où la police n´intervienne pas, il ne faut pas les jeter non plus (c’est ce qui était arrivé une fois à Lyon !). C´est l´un des roles des „anges gardien.nes“ de porter les clés.
La photo ou le reportage vidéo sur les médias ou sur internet permettent de diffuser le message largement.

Bloquer un lieu
Lorsque l´ob jectif de l’enchainement est de bloquer un lieu (de production ou de pouvoir), les enjeux sont différents. L´objectif est alors de durer pour faire une pression directe : empecher le bon déroulement d´un évènement, d’ une réunion, d´une manifestation, voire faire perdre de l’argent pour une usine.
II va falloir utiliser des accessoires capables de résister à une intervention rapide : chaìne et cadenas robustes.

Bloquer un lieu

Lorsqu’iI s´agit de faire pression sur des décideu-ses, il est nécessaire d’avoir un véritabIe pouvoir de blocage. II existe des techniques beaucoup plus efficaces qu’une simple chaine, pour les actions de blocage de bases militaires ou de trains de transport de déchets nucléaires par exemple.

Différentes techniques pour ne pas se faire déloger
Le principe de base est l´utilisation de matériel difficilement sectionnable.
En premier lieu l´armlock (voir Photo). Cest un tube avec un axe au centre. Les bras sont enfilés dedans et maintenus à l´axe par l´intermédiaire d´un petit mousqueton relié avec une ficelle autour du poignet. Seule l´action de la personne manifestant peut décrocher le mousqueton à l´intérieur. De l’extérieur, la seule manière de détacher les manifestantes est de trancher le cylindre au milieu (sans couper les bras) !

Si un tube en PVC (diamètre 60 mm longueur 600 mm - tige filletée traversant au centre) permet de s´entrainer, la version "manifestation" sera réalise en acier, avec la tige soudée. Le plus efficace est de recouvrir cec tube métallique d´un grillage bétonné : très difficile à couper avec une disqueuse...
À noter que si les policières anglais-es protègent les activistes à l´aide de lunettes et d´une couverture de protection (pour que la limaille brulante projetée par la disqueuse ne blesse pas la personne), la police francaise se montre une fois encore sans respect pour les manifestantes en ne les protégeant pas.

Une autre technique est l´utilisation d´un antivol type moto en U très difficile à neutraliser : l´antivol est passé au niveau du cou et maintient le- a manifestante à un barreau du portail. Cette technique est extrèmement efficace pour maintenir le blocage d´une entrée d´usine.
L´action non-violente ne connait pas de limite à l´imagination. Ainsi les Palestiniennes non-violentes de Bilin se sont enfermé.es dans de véritables "caissons" métalliques pour gener la construction du mur d´apartheid pour l´armée isralienne.

Etre en sécurité
La mise en place d´une action de blocage durant plusieurs heures nécessite l´accompagnement des manifestant.es. La présence des "anges gardiennes" devient très importante. Comme les manifestantes ne peuvent pas bouger, il va falloir les "dorloter" , mettre ou enlever une couverture, un chapeau, un imperméable, donner boire ou des petits gateaux. Pour les besoins plus intimes, la couche-culotte est parfois nécessaire...

C´est l’ange gardien.ne qui va faire attention ce que la police (ou pire des milices ou des personnes bloquées) n´agresse pas les manifestant.es.
Lorsque le blocage est réalisé sur un lieu de circulation (voie ferrée ou route), l´annonce en amont de l´action est nécessaire : il faut prévoir le fait que les camions ou les trains ont besoin d´une certaine distance avant l´arret complet. Les manifestantes n´auront pas le temps de se dégager rapidement en cas de dysfonctionnement de la méthode d´alerte.

La presse
Une telle action est à préparer avec minutie, et en particulier pour les médias. Si le blocage est réalisé dans un endroit inaccessible aux journalistes (terrain militaire, lieu privé...) il va falloir organiser la diffusion des images et des informations sur les événements en cours.

Voir aussi un texte en anglais :
Blockades : a short guide to getting in the way